Au Burkina Faso, le climat politique et sécuritaire se tend à nouveau autour du capitaine Ibrahim Traoré, président de la transition arrivé au pouvoir par un coup d’État en septembre 2022. Une nouvelle tentative de putsch présumée, annoncée le 21 avril par les autorités, ravive les inquiétudes sur la stabilité du régime militaire en place. Le chef de la junte, visiblement ébranlé, a sollicité l’envoi d’un contingent tchadien pour renforcer sa sécurité personnelle et celle des institutions.
Dans une déclaration solennelle diffusée à la télévision nationale, le ministre burkinabè de la sécurité, Mahamadou Sana, a affirmé avoir déjoué « un grand complot en préparation » qui visait à provoquer « le chaos total » dans le pays. Selon ses propos, une cellule de militaires aurait été recrutée pour mener un assaut contre la présidence, avec la complicité de réseaux extérieurs situés en Côte d’Ivoire.
Cette nouvelle tentative de putsch, l’une de plusieurs évoquées depuis l’accession d’Ibrahim Traoré au pouvoir est décrite par des sources sécuritaires comme étant « particulièrement préoccupante » en raison de l’implication présumée d’officiers actifs et de connexions transfrontalières. Plusieurs arrestations ont eu lieu dans les rangs de l’armée burkinabè, bien que les identités des suspects n’aient pas encore été rendues publiques.
Face à cette menace, le président Traoré a demandé d’après nos confrères du Journal Le Monde Afrique au Tchad l’envoi d’un contingent militaire composé de plus de 200 soldats. Ce renfort viserait à sécuriser le palais présidentiel, les sites sensibles de la capitale Ouagadougou, et à appuyer les unités burkinabè en charge de la sécurité rapprochée du chef de l’État. Une telle démarche, rare dans un contexte de souveraineté revendiquée par le régime, montre la nervosité croissante au sommet de l’État.
Le Tchad, dirigé par le Maréchal Mahamat Idriss Déby Itno, entretient des relations relativement stables avec les autorités burkinabè. Mais cet appel à l’aide pourrait également marquer une nouvelle étape dans l’externalisation de la sécurité présidentielle en Afrique de l’Ouest, à l’heure où plusieurs pays, dont le Burkina Faso, ont tourné le dos à leurs anciens partenaires occidentaux.
Le voisin ivoirien est une nouvelle fois pointé du doigt comme un foyer d’hostilité par le régime burkinabè. Selon les autorités, les cerveaux de la tentative de putsch auraient opéré depuis ce pays frontalier, déjà accusé dans le passé d’abriter des opposants et des déserteurs de l’armée burkinabè. Aucune preuve formelle n’a encore été présentée, et le gouvernement ivoirien n’a pas officiellement réagi à ces allégations.
Ces tensions diplomatiques s’inscrivent dans un climat régional marqué par la méfiance croissante entre les pays dirigés par des régimes militaires et ceux demeurant sous régime civil. Elles risquent d’exacerber les divisions au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), déjà affaiblie par une série de crises politiques.
Depuis sa prise de pouvoir, Ibrahim Traoré se présente comme un chef déterminé à lutter contre le terrorisme djihadiste qui mine le Burkina Faso depuis 2015. Mais sa gouvernance est de plus en plus critiquée pour son autoritarisme, son manque de transparence et les restrictions imposées aux libertés publiques. L’instabilité militaire en interne, symbolisée par ces complots récurrents, met en lumière la fragilité de son pouvoir et l’absence de consensus au sein même des forces armées.
Alors que les échéances politiques restent floues, notamment la date d’un éventuel retour à un régime civil, la multiplication des alertes sur des tentatives de déstabilisation traduit une inquiétude croissante au sommet de l’État. Le recours à des forces étrangères pour sa protection pourrait en outre accentuer les critiques à l’encontre du capitaine Traoré, accusé de s’enfermer dans une logique sécuritaire au détriment du dialogue national.
Source : Le Monde Afrique