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Carburant à Abéché : entre détresse populaire et trafic vers le Soudan 

Depuis plusieurs mois, la région de l’Est du Tchad, en particulier la ville d’Abéché, vit au rythme d’une grave pénurie de carburant. Une situation qui étouffe l’économie locale, alimente l’inflation et accentue les difficultés quotidiennes des habitants. En cause : un trafic massif de carburant à destination du Soudan voisin, ravagé par la guerre.

Chaque jour, des colonnes de véhicules lourdement chargés quittent discrètement les garages d’Abéché pour franchir la frontière soudanaise. Là-bas, la demande est forte, et le prix du fût de carburant peut atteindre jusqu’à 500 000 FCFA, offrant d’énormes profits aux trafiquants.

Si certains commerçants trouvent dans ce commerce une opportunité financière inédite, la majorité de la population locale paie le prix fort. Dans les rues d’Abéché, les files d’attente devant les rares stations-service encore approvisionnées s’allongent. Les transporteurs locaux, comme les chauffeurs de rackha (petits tricycles utilisés comme taxis), sont contraints d’augmenter leurs tarifs, au grand dam d’une population déjà fragilisée par la crise économique.

« Le croiriez-vous ? Nos autorités ne peuvent ignorer que chaque jour des dizaines de véhicules chargés à bloc se dirigent vers la frontière », s’indigne Ahmat, gérant d’une station-service d’Abéché. « Ils viennent vider nos cuves soi-disant pour raison sécuritaire, mais en réalité, c’est pour les envoyer au Soudan. »

 

Pourtant, selon l’Agence de Régulation du Secteur Aval du Pétrole (ARSAT), Abéché bénéficie depuis le 26 février 2025 d’un ravitaillement régulier de deux citernes par jour. Ce rythme ferait de la ville la deuxième du pays la mieux approvisionnée en carburant.

Mais sur le terrain, la réalité est tout autre : le carburant livré est rapidement absorbé par les réseaux de contrebande, privant la population de cet approvisionnement vital. Les soupçons d’une complicité au sein même des autorités locales se font de plus en plus insistants.

Face à cette situation alarmante, les autorités locales restent muettes. Aucun responsable régional ne s’est exprimé publiquement, alimentant les frustrations de la population. De nombreuses voix dénoncent une forme de laxisme, voire de collusion, laissant le trafic s’organiser en toute impunité.

À Abéché, le carburant est désormais devenu un luxe rare, dont l’accès dépend du pouvoir d’achat et des réseaux d’influence. Pendant ce temps, la vie quotidienne se complique, les prix du transport s’envolent et l’économie locale ralentit.

La situation à Abéché est aujourd’hui le reflet d’un défi plus large : comment concilier besoin de sécurité économique, contrôle des ressources et lutte contre le trafic dans un contexte régional instable ?

LA REDACTION

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