Le Tchad se retrouve dans une position critique dans le rapport 2025 de l’Alliance transnationale pour la lutte contre le commerce illicite (TRACIT), occupant le 155e rang sur 158 pays évalués. Ce classement, l’un des plus bas au niveau mondial, constitue une véritable alerte rouge sur les dysfonctionnements systémiques qui minent la lutte contre le commerce illicite dans le pays. Entre failles institutionnelles, porosité des frontières, corruption et inefficacité réglementaire, le rapport pointe une situation préoccupante qui freine le développement économique et compromet la sécurité nationale.
Le rapport TRACIT évalue les performances des pays à partir de plusieurs critères : cadre législatif, efficacité douanière, transparence économique, coopération internationale et mise en œuvre des lois. Le classement extrêmement bas du Tchad résulte d’un cumul de faiblesses structurelles :
- Institutions sous-dotées et peu opérationnelles ;
- Corruption généralisée au sein de certains organes de contrôle ;
- Manque de coordination entre les services douaniers, fiscaux et de sécurité ;
- Absence de stratégie nationale cohérente pour combattre les réseaux criminels.
À cela s’ajoute une capacité limitée à surveiller les vastes frontières terrestres, souvent traversées librement par des flux de marchandises illicites.
Le commerce illicite frappe particulièrement les produits pharmaceutiques, les carburants, les alcools, le tabac et les biens de consommation courante. Le marché tchadien est inondé de produits contrefaits ou introduits frauduleusement, au détriment :
- Des entreprises locales, incapables de concurrencer les produits à bas prix ;
- De la santé publique, notamment avec la prolifération de médicaments de qualité douteuse ;
- Des recettes fiscales, puisque ces échanges échappent totalement au contrôle de l’État.
Cette situation illustre l’impact direct du commerce illicite sur l’économie formelle, la sécurité et la stabilité du pays.
Le rapport met également en lumière l’ampleur de l’évasion fiscale, un phénomène accentué par :
- La forte informalité de l’économie ;
- Le manque d’interopérabilité entre les institutions ;
- L’usage routinier de faux documents dans les opérations douanières ;
- Une surveillance quasi inexistante des circuits de distribution et d’importation.
Cette « hémorragie fiscale » prive le Tchad de ressources publiques essentielles pour les secteurs sociaux : éducation, santé, infrastructures ou encore sécurité.
Le Tchad a récemment amorcé quelques initiatives, telles que le renforcement des inspections à l’importation et l’ouverture à la coopération internationale, notamment avec des organisations régionales. Toutefois, ces actions restent parcellaires, peu financées et aisément contournées par des réseaux bien établis, souvent mieux organisés que les services de l’État.
Face à l’ampleur du défi, TRACIT recommande une réforme en profondeur des mécanismes de lutte contre le commerce illicite au Tchad. Parmi les axes prioritaires figurent :
- La promulgation de lois plus rigoureuses et leur application stricte ;
- Le renforcement des capacités humaines et matérielles des douanes et services de sécurité ;
- La digitalisation et l’interconnexion des services publics concernés ;
- Une coopération régionale structurée, notamment avec les pays frontaliers pour contrer les réseaux transnationaux.
Au-delà de la lutte contre la criminalité économique, ce classement alarmant interpelle sur une menace systémique au développement du Tchad. Le commerce illicite est non seulement un fléau économique, mais également un facteur de fragilisation de l’État, en affaiblissant ses moyens d’action et sa légitimité. La mise en place d’une stratégie cohérente, inclusive et durable est un impératif pour protéger les citoyens, restaurer la confiance dans les institutions et garantir un avenir économique viable.
Le rapport 2025 de TRACIT agit comme un signal d’alarme. Si rien n’est fait, le Tchad risque de s’enliser davantage dans une économie parallèle qui compromet sa stabilité et son développement. À l’inverse, une volonté politique forte et des actions coordonnées pourraient transformer ce défi en opportunité de réforme et de relance nationale.
LA REDACTION
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