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Présidentielle 2025 au Cameroun : un record de 81 candidatures, reflet d’une scène politique en pleine ébullition

La présidentielle du 12 octobre 2025 au Cameroun promet d’entrer dans l’histoire, non seulement par son enjeu politique majeur, mais surtout par le nombre inédit de prétendants à la magistrature suprême. Elections Cameroon (Elecam), l’organe en charge de l’organisation du scrutin, a enregistré 81 candidatures avant la clôture officielle des dépôts fixée à minuit, le 21 juillet 2025. Ce chiffre record, jamais atteint depuis l’instauration du multipartisme, symbolise une effervescence démocratique sans précédent, mais aussi un paysage politique profondément fracturé.

Chaque dossier de candidature à la présidentielle doit s’accompagner d’un versement de 30 millions de francs CFA, soit l’équivalent de 2,43 milliards de francs CFA si toutes les candidatures sont validées. En principe, cette exigence financière vise à filtrer les candidatures jugées peu sérieuses. Mais en pratique, elle n’a pas dissuadé les ambitions.

Un quart des candidatures, soit 25 dossiers, provient d’acteurs politiques indépendants, sans ancrage dans des partis traditionnels. Ce phénomène traduit une volonté croissante d’échapper aux cadres partisans classiques, jugés parfois obsolètes ou verrouillés par des élites installées.

L’un des traits marquants de cette élection est l’éclatement des forces politiques traditionnelles, qui peinent à désigner un candidat consensuel. Le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir depuis plus de 40 ans, présente deux candidats, une situation inédite qui trahit des tensions internes jusque-là contenues.

Même scénario du côté du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC). Son président, Maurice Kamto, a choisi de se présenter sous la bannière du MANIDEM, un parti historiquement marginal, dans un geste à la fois stratégique et symbolique. Ce revirement intervient après le boycott des législatives et municipales de 2020. Toutefois, même au sein du MANIDEM, l’unité n’est pas acquise. Dieudonné Yebga, en conflit ouvert avec Anicet Ekane pour le contrôle du parti, a déposé sa propre candidature, plongeant l’organisation dans une crise identitaire.

L’Union des Populations du Cameroun (UPC), pourtant pilier historique du nationalisme camerounais, présente trois candidats distincts, signe d’une profonde désorganisation. Le Parti Univers, quant à lui, en aligne deux, confirmant une tendance générale à la fragmentation et à la multiplication des candidatures concurrentes au sein d’un même mouvement.

Au-delà des querelles internes, la campagne est déjà parasitée par des litiges judiciaires susceptibles d’altérer le cours du processus électoral. Le fondateur du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), Robert Kona, a engagé une action en justice contre Cabral Libii, actuel candidat du parti, contestant la légalité de sa désignation. Kona accuse son rival de fraude électorale et d’usurpation d’identité politique, et a saisi Elecam dans l’espoir de voir invalider la candidature de Libii. Cette affaire pourrait constituer un test important pour l’indépendance des institutions électorales et judiciaires du pays.

Dans ce climat déjà tendu, certaines sorties médiatiques officielles ont alimenté la polémique. Lors de l’émission « Actualités Hebdo » sur la CRTV, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a qualifié le MANIDEM de « petit arbre », minimisant le choix stratégique de Kamto. Cette remarque a été largement critiquée comme une prise de position politique déplacée venant d’un haut fonctionnaire censé garantir la neutralité de l’État dans le processus électoral.

En parallèle, Marie-Claire Nnana, directrice du Cameroon Tribune, a publié un éditorial au vitriol dans lequel elle s’attaque directement à Maurice Kamto. Selon elle, le leader du MRC aurait compromis son avenir politique en boycottant les précédentes élections, et serait désormais exposé à un « jeu politico-judiciaire complexe » dans lequel il n’aurait que peu de marge de manœuvre.

Le record de 81 candidatures pour la présidentielle camerounaise de 2025 traduit une vitalité politique certaine, mais aussi une fragilité institutionnelle et un climat de défiance généralisée. Si la pluralité des candidatures est le signe apparent d’une démocratie en marche, elle pourrait aussi rendre le scrutin illisible pour une large partie de l’électorat et ouvrir la voie à des contestations post-électorales.

L’enjeu pour Elecam et les autorités est désormais de garantir la transparence, la régularité et la sécurité d’un processus qui s’annonce aussi historique que sensible. À trois mois du scrutin, le Cameroun entre dans une phase décisive de son avenir politique, suspendu entre espoir démocratique et tensions larvées.

LA REDACTION

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