Le mariage coutumier, au-delà d’une simple union entre deux êtres, est un rituel sacré, ancré dans des coutumes millénaires qui célèbrent le lien entre les vivants et leurs ancêtres. Autrefois perçu comme une véritable consécration, il était le socle sur lequel se bâtissait un foyer harmonieux, porteur de valeurs et de bénédictions. Aujourd’hui, l’érosion de ces traditions interroge : la modernité est-elle en train de fragiliser l’essence même du mariage coutumier ?
Dans plusieurs communautés tchadiennes, notamment chez les Sara du grand sud, ou les arabes du nord, le mariage obéit à un processus bien défini. Des fiançailles à la demande en mariage, en passant par la dot et enfin la cérémonie nuptiale, chaque étape revêt une importance capitale.
La dot, par exemple, est bien plus qu’un simple échange matériel, elle symbolise l’alliance entre deux familles et le respect des ancêtres. Certaines ethnies y ajoutent des rites d’incantation afin de garantir protection et prospérité au nouveau couple. Mais lorsque ces pratiques sont négligées ou altérées, les conséquences peuvent être lourdes : conflits, instabilité conjugale, voire malédictions, selon les croyances locales.
Parmi les rituels essentiels, « Kos Pil » ou la pose des pierres lors du mariage coutumier pour la nouvelle mariée revêt une signification profonde. Ce moment charnière, souvent orchestré par les tantes paternelles, vise à insuffler sagesse, les bénédictions et équilibre au couple. Ces figures maternelles, choisies avec soin, doivent incarner des vertus exemplaires : fidélité, intégrité, hospitalité, sagesse mais surtout le sens d’endurance dans son foyer.
Autrefois rigoureusement respecté, ce critère de sélection tend aujourd’hui à s’effriter. Des tantes fortunées ou même des amies (cavalières) sans réelle légitimité se substituent aux figures traditionnelles, mettant à mal l’essence spirituelle du rituel. Elles se mêlent de tout, empêchant la famille restreinte d’opérer ce rituel. L’on se demande quel rôle ces dernières jouent-elles dans cette affaire ? S’il y’a une interrogation de plus, cette dérive pourrait-elle expliquer la multiplication des divorces au sein des foyers de nos jours ?
Nos cultures souffrent d’un mal cruel, celui qui nous a été imposé la culture occidentale ; le modernisme. En remettant en question ces piliers ancestraux, a certes apporté une évolution sociale, mais aussi un certain désordre culturel. Puisqu’en privilégiant des considérations matérielles au détriment des valeurs fondamentales, le mariage perd de son caractère sacré, spirituel et se vide progressivement de sa substance. Il revient impératif de repenser ces traditions, non pour les figer dans le passé, mais pour leur redonner du sens et de la dignité. Car, elles représentent l’âme d’un peuple.
Ainsi donc, il ne s’agit pas de rejeter la modernité, mais d’y intégrer les valeurs essentielles qui ont toujours fait la force des unions d’antan. Le respect des rites ancestraux n’est pas une régression, mais une transmission d’héritage, un pont entre les générations pour bâtir des foyers solides et harmonieux. Restaurer la véritable essence du mariage coutumier, c’est préserver l’âme même de nos sociétés. ▪
Djéngomdé Ghislain
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