Le goudron du marché de Dembé n’est pas qu’un passage pour les voitures : c’est aussi un lieu de survie pour des centaines de femmes vendeuses. Assises à même le sol, leurs étals faits de seaux, sacs ou planches bancales, elles vendent quelques articles pour subvenir aux besoins de leurs familles. Mais régulièrement, ces femmes sont chassées sans ménagement par les agents municipaux, accusées d’encombrer la voie publique. Entre désespoir, débrouillardise et dignité, ces vendeuses réclament non pas la charité, mais des solutions concrètes.
Une économie de la survie
Aucune d’elles n’a choisi de vendre au bord du goudron par plaisir. La plupart sont exclues des espaces officiels du marché, déjà saturés ou trop coûteux. « J’ai demandé une place à l’intérieur, mais on m’a dit qu’il n’y en avait plus, ou qu’il fallait payer trop cher », confie Haoua, 38 ans, mère de cinq enfants.
Certaines sont venues à Dembé après avoir été déplacées à cause des conflits dans le Lac, d’autres fuient la pauvreté des zones rurales. Toutes partagent le même quotidien : se lever à l’aube, s’asseoir sous un soleil accablant, vendre ce qu’on peut, fuir quand les agents arrivent.
Les interventions de la mairie sont fréquentes. En journée, des agents municipaux descendent pour « dégager la voie ».
« Ils nous crient dessus, renversent nos seaux, parfois ils confisquent nos marchandises », raconte Zara, vendeuse de feuilles.
Ces descentes sont souvent brutales, sans dialogue ni avertissement. Les pertes financières peuvent être lourdes pour des femmes qui vivent au jour le jour.
Des conditions de travail indignes
Le bord du goudron est loin d’un lieu adapté à la vente : Pas de protection contre la chaleur ni la pluie Poussière, bruit, gaz d’échappement, Danger constant d’accident de circulation Pas d’accès à l’eau ni aux toilettes, Risqué de vols en fin de journée.
« Une voiture a failli m’écraser le mois dernier. Si je reste chez moi, mes enfants ne mangent pas. Si je viens ici, je risque ma vie », résume tristement Ramatou, la cinquantaine.
La plupart de ces vendeuses sont cheffes de famille, souvent sans mari, ni soutien régulier. Leur petit commerce finance les repas, la scolarité, les soins de santé. Sans elles, beaucoup de familles seraient dans une précarité encore plus extrême.
Et sans leur présence, le marché de Dembé ne serait pas aussi vivant ni accessible pour les clients aux revenus modestes.
Des solutions existent, mais tardent à venir
Face à cette situation récurrente, des solutions concrètes et réalistes peuvent être mises en place :
1. Création de zones de vente aménagées en périphérie du marché : Des espaces sécurisés, ombragés et accessibles, spécialement conçus pour les vendeuses de rue, pourraient désengorger les trottoirs sans supprimer leur activité.
2. Mise en place d’un système de rotation ou d’horaires définis : Permettre à un groupe de femmes d’occuper certains espaces à des heures précises, avec un encadrement souple, éviterait les conflits avec la mairie.
3. Dialogue direct entre la mairie et les vendeuses : Créer des comités de représentantes des vendeuses pour établir un dialogue permanent avec la municipalité, au lieu de sanctions brutales.
4. Accès facilité à des microcrédits ou tontines encadrées : Beaucoup de femmes souhaitent formaliser leur activité. Un soutien financier de base leur permettrait de louer un petit emplacement ou d’investir dans du matériel.
5. Réhabilitation et agrandissement du marché de Dembé : Aujourd’hui saturé, le marché pourrait être agrandi ou mieux organisé pour inclure celles qui en sont actuellement exclues
Les femmes vendeuses du bord du goudron à Dembé ne demandent pas des faveurs. Elles demandent à être vues, écoutées et considérées comme des actrices économiques à part entière. Les chasser sans solution, c’est ignorer leur contribution à la vie de la ville et condamner des familles entières à plus de pauvreté Il est temps que les autorités locales adoptent une approche plus humaine, inclusive et durable. Parce que derrière chaque étal de fortune, il y a une femme forte qui ne cherche pas la pitié… mais juste une place pour exister.
DARBAWA KAOKAMLA
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