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Tchad : L’Union des Cadres Chrétiens interpelle le Président Mahamat Idriss Déby sur la laïcité et les discriminations religieuses

Dans une lettre ouverte adressée au Maréchal Mahamat Idriss Déby Itno, Président de la République, l’Union des Cadres Chrétiens du Tchad (UCCT) dénonce ce qu’elle considère comme une dérive confessionnelle de l’État tchadien et appelle à la restauration des principes de laïcité, de justice et d’égalité.

Signée par plusieurs responsables d’organisations chrétiennes, la missive se veut à la fois un cri d’alarme et un appel patriotique. Elle s’appuie autant sur les Béatitudes de l’Évangile que sur des versets du Coran pour souligner l’universalité de l’exigence de justice et de paix.

Les auteurs rappellent que la Constitution tchadienne consacre la laïcité comme fondement de la République. Or, selon eux, ce principe est « gravement mis à mal » par une série de pratiques institutionnelles notamment la présence de lieux de culte musulmans au sein d’institutions publiques, les messages présidentiels réservés quasi exclusivement aux fêtes islamiques, l’organisation de concours et examens les dimanches, jour sacré pour les chrétiens, l’implication de l’État dans le Comité d’organisation du Hadj et dans le Conseil supérieur des affaires islamiques.

Pour l’UCCT, ces actions traduisent « une dérive préoccupante vers une confessionnalisation de la République ».

La lettre recense plusieurs épisodes d’agressions et de profanations de lieux de culte, allant de l’expulsion de l’évêque de Doba en 2006 à l’agression de l’archevêque de N’Djamena en 2021, en passant par les menaces contre l’évêque de Goré en 2023.

Les auteurs dénoncent « le silence assourdissant » des autorités face à ces actes, ainsi que l’absence de condamnations publiques ou de mesures judiciaires.

Le document fustige également une gestion inéquitable des violences intercommunautaires. Selon l’UCCT, les affrontements dans le Sud du pays, opposant éleveurs transhumants et agriculteurs, n’ont suscité « aucune enquête sérieuse », contrairement à d’autres cas, notamment l’incident de Mandekao en 2024, où la réaction gouvernementale fut « immédiate et massive ».

Les signataires affirment que les chrétiens sont de plus en plus absents des postes de souveraineté, des régies financières, des gouvernorats et de la haute administration. Ils dénoncent aussi des obstacles dans l’accès aux marchés publics, aux bourses d’études et aux espaces commerciaux.

« Le mérite et l’égalité doivent guider les politiques publiques et non l’appartenance confessionnelle et communautaire », plaident-ils.

La lettre évoque la « dépossession silencieuse » des terres agricoles du Sud au profit de certains groupes d’éleveurs, ce qui accentuerait l’insécurité et les tensions.

Autre sujet alarmant : la « déportation d’enfants du Sud vers le Nord », réduits à des conditions proches de l’esclavage domestique ou pastoral. L’UCCT appelle à une enquête nationale pour mettre fin à cette exploitation.

Les signataires exhortent le chef de l’État à garantir la sécurité des lieux de culte et des responsables religieux, de mettre en place un plan de protection des enfants victimes de traite, d’engager une véritable concertation nationale sur le code pastoral et de restaurer la neutralité de l’État et l’égalité entre citoyens.

La Rédaction

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