Ce mercredi 2 juillet 2025, la salle d’audience du Palais de Justice de N’Djamena a accueilli un procès très attendu. Sur le banc des accusés : quatre journalistes et deux autres personnes, tous soupçonnés de collaboration avec des agents étrangers, une affaire qui suscite une vive attention depuis leur mise en détention préventive il y a plus de trois mois.
Escortés depuis la maison d’arrêt, les prévenus sont arrivés au tribunal à 8 heures, mais ce n’est qu’après près de six heures d’attente, à 14 heures, que le procès a finalement débuté.
Dès l’ouverture, le président du tribunal a annoncé sa décision de rejeter la demande de mise en liberté provisoire formulée par les avocats de la défense lors de l’audience du 26 juin, où les charges avaient été communiquées.
Le ministère public, représenté par Zadadine Adoum, 9e substitut du procureur, a ensuite présenté l’acte d’accusation. Il a soutenu que les journalistes, avec les deux autres accusés, auraient été en contact avec des agents russes supposément liés au groupe paramilitaire Wagner. Ces derniers, durant leur passage à N’Djamena, leur auraient proposé de collaborer à une campagne médiatique favorable à la Russie et hostile à certaines puissances occidentales. En contrepartie, les journalistes auraient perçu des compensations financières et relayé des contenus pro-russes, en plus d’avoir transmis des informations jugées sensibles sur la situation interne du Tchad. Le procureur a requis deux ans d’emprisonnement ferme, s’appuyant sur l’article 95 du Code pénal.
Du côté de la défense, les avocats ont vigoureusement réfuté les accusations. Me Aguidé Messi a dénoncé une procédure irrégulière et plaidé la nullité des poursuites, en affirmant que ses clients n’ont fait que remplir leur devoir professionnel d’informer.
Me Alain Mouadjimtog a pour sa part pointée du doigt des incohérences dans l’instruction : certaines personnes citées dans les rapports d’enquête n’ont pas été inquiétées, tandis que d’autres jouissent de leur liberté, contrairement à ses clients. Il a notamment mentionné le cas de Zara Koulamallah, qui aurait accueilli les agents russes chez elle, sans être inquiétée.
Me Lucas Laoro, dans une plaidoirie incisive, a rappelé que la Russie entretient depuis 1964 des relations diplomatiques officielles avec le Tchad. Il a mis le parquet au défi de prouver que la Russie représentait une puissance hostile au pays, sans obtenir de réponse satisfaisante. Il a même accusé le ministère public de servir des intérêts étrangers, notamment ceux des États-Unis et de la France. Citant Abdoulaye Wade, il a conclu : « Quand la politique entre au temple de Thémis, le droit en sort par la fenêtre. »
Enfin, Me Ngadjadoum Josué a dénoncé un procès à visée politique, dans lequel la justice serait instrumentalisée pour faire taire des voix indépendantes. Il a demandé la libération immédiate de ses clients, faute de preuves concrètes.
Malgré la demande des avocats pour un jugement immédiat, le tribunal a choisi de mettre sa décision en délibéré jusqu’au 4 juillet. À la sortie, les prévenus ont été reconduits en détention, laissant leurs proches profondément bouleversés. Certains, en larmes, n’ont pu dissimuler leur détresse face à ce qu’ils perçoivent comme une profonde injustice.
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